Pro-business Macron, 45 ans, a défendu la réforme des retraites depuis sa première victoire au pouvoir en 2017

Paris (AFP) - Le gouvernement français doit annoncer mardi ses propositions de refonte du système de retraite, dans une réforme potentiellement explosive et pleine de dangers pour le président Emmanuel Macron.

Avec sa conviction maintes fois répétée que les Français "ont besoin de travailler plus", Macron a insisté avec acharnement depuis son arrivée au pouvoir en 2017 pour que le système de retraite soit rationalisé.

Mais après avoir annulé sa première tentative en 2020 face aux manifestations et à la pandémie de Covid-19, le centriste de 45 ans a mis la question au cœur de sa campagne réussie pour un second mandat en avril dernier.

En plus de simplifier le système et de supprimer les privilèges dont jouissent les travailleurs dans certains secteurs de l'économie, la réforme visera à relever l'âge de la retraite de son niveau actuel de 62 ans - très probablement à 64 ans.

"Dans l'ensemble, l'idée de la réforme n'est pas soutenue par le public, même si certains peuvent comprendre que si nous vivons plus longtemps, nous pourrions avoir besoin de travailler plus longtemps", Bruno Cautres, politologue à Sciences Po Paris. , a déclaré à l'AFP.

Tous les syndicats français et la plupart des partis politiques d'opposition du pays se préparent au combat, considérant la lutte comme un moyen de protéger le système social du pays et de saper la position de Macron.

L'ancien banquier d'affaires a perdu sa majorité parlementaire aux élections législatives de juin dans un revers majeur.

Il a fait de la réforme des retraites l'un des principaux axes de ses plans de réforme intérieure au cours de son second mandat.

« Si Emmanuel Macron veut en faire la mère des réformes… pour nous, ce sera la mère des batailles », a prévenu ce week-end le patron du syndicat d'extrême gauche FO, Frédéric Souillot.

Les manifestations de rue et les grèves semblent inévitables, la dernière tentative de Macron ayant entraîné le plus long arrêt des transports publics à Paris en trois décennies.

- Gilets jaunes II ? -

Le gouvernement s'inquiète davantage du risque de manifestations spontanées du type de celles observées en 2018 lorsque des personnes portant des gilets de sécurité jaunes fluorescents ont commencé à bloquer les routes, déclenchant ce qui est devenu la révolte des "gilets jaunes".

Certains manifestants du "gilet jaune" ont juré de retourner dans la rue

La manifestation souvent violente de défi a semé la peur au cœur du gouvernement, amenant Macron à promettre un style de gouvernement plus doux et moins autoritaire.

"Je ne vois pas une autre crise des 'gilets jaunes' se produire", a déclaré Cautres à l'AFP, même s'il a déclaré que l'ambiance nationale était celle du "pessimisme, du fatalisme et de la colère" et le sentiment que "nous sommes en permanence en crise".

Certains membres du gouvernement misent sur l'acquiescement du pays à un changement largement détesté mais considéré comme inévitable, d'autant plus que la plupart des voisins de la France ont relevé l'âge de la retraite à 65 ans ou au-delà.

"Il y a une forme de fatalisme", a déclaré récemment à l'AFP un collaborateur de Macron sous couvert d'anonymat. "Nous allons aller jusqu'au bout et les gens le savent."

Le gouvernement a également édulcoré certaines de ses propositions, l'âge de la retraite devant être de 64 ans au lieu des 65 ans proposés par Macron.

Il y aura également une proposition d'augmentation de la pension minimale à 1 200 euros (1 280 $) par mois et une plus grande disposition pour les personnes qui n'ont pas travaillé de manière continue, comme les parents qui ont interrompu leur carrière pour s'occuper de leurs enfants.

- 'Président des riches' -

Les critiques considèrent les changements comme rétrogrades et inutiles, même si les prévisions officielles montrent que le système sera en profond déficit dans les décennies à venir en raison du vieillissement progressif de la population.

« En 2023, Emmanuel Macron sera-t-il en décalage avec l'époque et rayonnera-t-il en tant que président des riches ? a demandé dimanche l'économiste et auteur français de gauche Thomas Piketty dans le journal Le Monde.

Selon lui, la réforme pourrait permettre à l'Etat d'économiser jusqu'à 20 milliards d'euros par an, mais "le problème est que ces 20 milliards vont peser entièrement sur les plus pauvres" en prolongeant leur vie active.

En plus de faire face aux grèves et aux manifestations, le gouvernement Macron devra également se frayer un chemin à travers le parlement orageux où le parti au pouvoir et ses alliés sont en minorité.

Le soutien à la législation du parti républicain de droite devrait être nécessaire.

Sans cela, la Première ministre Elisabeth Borne devrait utiliser un pouvoir constitutionnel connu sous le nom d'article 49.3 qui lui permet de faire adopter une législation sans vote.

Mais une telle décision conduirait presque certainement à un vote de confiance qui, si tous les partis d'opposition s'unissaient, pourrait faire tomber le gouvernement.

Borne dévoilera les grandes lignes du projet de loi à 17h30 (16h30 GMT) et s'exprimera à la télévision française plus tard dans la soirée.

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