Des véhicules incendiés jonchent encore de nombreuses rues de Nouméa

Nouméa (AFP) - La Nouvelle-Calédonie, territoire français du Pacifique, était "plus calme" vendredi, ont annoncé les autorités locales, après l'arrivée de renforts pour réprimer plusieurs jours d'émeutes autour de la réforme électorale qui ont fait cinq morts et des centaines de blessés.

"Des renforts contrôleront des zones qui nous ont échappé ces derniers jours", a déclaré le haut-commissaire français Louis Le Franc, plus haut fonctionnaire de l'État de Nouvelle-Calédonie.

L'arrivée de nouveaux militaires et policiers armés dans la capitale Nouméa permettrait aux autorités de « reconquérir tous les lieux de la ville que nous avons perdus ».

La colère suscitée par le projet de la France d'imposer de nouvelles règles électorales a dégénéré en violences les plus meurtrières depuis quatre décennies dans l'archipel de 270 000 habitants, situé entre l'Australie et les Fidji, à 17 000 kilomètres (10 600 miles) de Paris.

Le Premier ministre français Gabriel Attal a déclaré jeudi qu'environ 1 000 membres des forces de sécurité supplémentaires étaient envoyés en Nouvelle-Calédonie, s'ajoutant aux 1 700 déjà présents.

La Nouvelle-Calédonie se situe entre l'Australie et les Fidji

Ils ont commencé à atterrir jeudi à l'aéroport international de La Tontouta, contrôlé par l'armée française, et ont pu être vus se déplaçant dans la capitale Nouméa avec des bérets rouges, des fusils, des masques à gaz et des boucliers anti-émeute.

Utilisant les pouvoirs de l'état d'urgence, les forces de sécurité ont imposé "une situation plus calme et plus pacifique" autour de Nouméa pour la première fois depuis le début des troubles lundi, a indiqué le haut-commissariat dans un communiqué vendredi matin.

Mais des incendies ont eu lieu dans une école et dans deux entreprises, ajoute le communiqué.

- Des bâtiments qui couvent -

De longues files d'attente se sont formées dans les supermarchés à court de produits de première nécessité

Vendredi matin, des journalistes de l'AFP ont vu des flammes et de la fumée s'échapper d'un centre commercial, des immeubles en feu, des dizaines de voitures incendiées et des habitants traînant les restes de véhicules hors des routes.

Des centaines de personnes ont fait la queue devant les magasins pour obtenir de la nourriture et des fournitures dont elles ont désespérément besoin, bien que les autorités aient promis d'apporter des produits essentiels.

Le Franc décrit des zones de l'île « où se trouvent plusieurs centaines d'émeutiers qui n'attendent qu'une chose : le contact avec les forces de sécurité ».

Dix militants indépendantistes accusés d'avoir organisé des violences ont été assignés à résidence, selon les autorités.

Deux gendarmes ont été tués : une balle dans la tête et une seconde balle dans un tir ami, ont indiqué des responsables.

Trois autres personnes – tous autochtones Kanak – ont également été tuées : un jeune de 17 ans et deux hommes âgés de 20 et 36 ans.

Le Franc a indiqué qu'un suspect d'homicide s'était « rendu », sans donner de détails sur son identité ni sur l'incident concerné.

Une autre personne a été arrêtée, soupçonnée d'avoir tué deux Kanaks, tandis qu'environ 200 parmi les 5 000 « émeutiers » estimés ont été arrêtés.

- "Briser la spirale de la violence" -

Des barrages routiers ont été mis en place par des autochtones Kanak et d'autres habitants de Nouvelle-Calédonie

La Nouvelle-Calédonie a rejeté à trois reprises l'indépendance lors de référendums, mais la cause conserve un fort soutien parmi le peuple kanak, dont les ancêtres vivent sur les îles depuis des milliers d'années.

Colonisée par la France à partir de la seconde moitié du XIXème siècle, elle bénéficie d'un statut particulier avec certaines compétences locales transférées depuis Paris.

Les législateurs français ont avancé cette semaine un projet visant à permettre aux personnes ayant déménagé en Nouvelle-Calédonie il y a au moins 10 ans de voter aux élections du territoire.

Les forces indépendantistes affirment que cela diluerait le vote des Kanaks, qui représentent environ 40 pour cent de la population.

Des groupes de Kanaks ont dressé des barrages routiers autour de l'île principale, brandissant le drapeau du territoire, brûlant des pneus et bloquant ou ralentissant la circulation.

D'autres résidents, pour la plupart non autochtones, certains armés, ont entassé des chaises de jardin, des caisses et d'autres effets personnels dans les barricades du quartier.

Il s'agit des pires violences enregistrées en Nouvelle-Calédonie depuis les troubles impliquant des indépendantistes radicaux qui ont secoué le territoire français d'outre-mer dans les années 1980.

Un groupe d'entreprises local a estimé les dégâts, concentrés autour de Nouméa, à 200 millions d'euros (217 millions de dollars).

Paris a accusé un groupe connu sous le nom de CCAT, qui rassemble les séparatistes les plus radicaux, d'être à l'origine des émeutes.

Vendredi, le CCAT a publié un communiqué appelant à « un temps de calme pour briser la spirale de la violence ».

Le groupe "n'a pas appelé à la violence ni à la destruction", a déclaré Rock Haocas, membre du CCAT, à la chaîne RFI.

Au-delà du déploiement de forces de sécurité supplémentaires, Paris a fermé l'aéroport aux vols commerciaux, fermé les écoles, imposé un couvre-feu nocturne et interdit les rassemblements, le port d'armes et la vente d'alcool.

Le gouvernement a également bloqué le réseau social Tiktok, affirmant qu’il était utilisé par les manifestants – une décision que la société de médias sociaux a qualifiée de « regrettable ».

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