Thierry Breton était le commissaire européen au marché intérieur

Bruxelles (Belgique) (AFP) - Le Français Thierry Breton est devenu l'un des visages les plus en vue de l'Union européenne à Bruxelles, gagnant la réputation d'un perturbateur dans ses conflits avec les géants de la technologie - et même avec son propre patron.

Cette relation tendue avec la présidente de l'UE, Ursula von der Leyen, a été au centre de la démission dramatique de Breton, lundi, de la Commission européenne.

Avec sa crinière poivre et sel caractéristique et ses lunettes noires à monture épaisse, son influence à Bruxelles fut vaste.

Commissaire au marché intérieur de l'Union depuis 2019, il a supervisé la promotion de l'industrie de la défense et a coordonné la production de vaccins contre le Covid.

Mais il était surtout connu pour avoir adopté une ligne dure contre les abus des plus grandes plateformes numériques du monde – allant même jusqu'à s'en prendre publiquement au patron milliardaire de X, Elon Musk.

Ancien PDG d'entreprises françaises de technologie et de télécommunications, Breton a été le premier grand chef d'entreprise à arriver dans le monde douillet de la Commission européenne, le bras exécutif de l'UE.

Breton maîtrise l'art de la réplique rapide sur les réseaux sociaux

Il donnait fréquemment des interviews aux médias et lançait des remarques rapides sur les réseaux sociaux, s'appuyant sur son désir d'être perçu comme un agent de changement.

La centriste s'est ouvertement opposée à von der Leyen – et a provoqué un tollé plus tôt cette année en remettant publiquement en question la profondeur du soutien à sa réélection au sein de son parti de centre-droit, le Parti populaire européen.

Breton a également mis en doute sa « transparence et son impartialité » dans la nomination d'un allié politique à un poste grassement rémunéré comme envoyé aux petites et moyennes entreprises.

- Responsable technique -

Agé de 69 ans, Paris considérait ce dernier comme un contrepoids essentiel à l'influence de Berlin au cœur de l'UE.

Mais, ingénieur de formation, Breton n'a pas eu un chemin facile vers la commission.

L'ancien ministre français des Finances était le deuxième choix du président français Emmanuel Macron après un scandale entourant son premier.

Sa notoriété médiatique en a dérouté certains, car Breton n'est pas un orateur aussi éloquent que d'autres hauts responsables à Paris et à Bruxelles.

Il était parfois moqué pour la longueur de ses discours et pour les idées multiples qu'il introduisait toutes à la fois et de façon désordonnée.

Mais il était dans son élément lorsqu'il parlait de numérique et d'industrie, après avoir été pendant plusieurs années à la tête de plusieurs grandes entreprises françaises dont France Télécom - devenu Orange - et Atos.

Breton était l'ancien ministre français des Finances sous l'ancien président Jacques Chirac

Le commissaire démissionnaire avait un jour une plaquette de matériau semi-conducteur à la main alors qu'il se lançait dans une longue explication technique des puces électroniques.

Les lois phares de l'UE visant principalement les géants du Web basés aux États-Unis, le Digital Services Act (DSA) et le Digital Markets Act (DMA), comptent parmi les plus grandes réalisations de Breton.

Ces règles exigeaient un meilleur contrôle du contenu en ligne et limitaient les pouvoirs commerciaux d’entreprises comme Amazon, Apple, Google, Meta et Microsoft.

« Il est temps de mettre de l'ordre dans le 'Far West' numérique », déclarait-il en 2022.

Breton est même allé voir Musk au Texas pour lui expliquer les règles qu'il devrait suivre en vertu du DSA. Ils étaient tout sourire dans une vidéo devenue virale.

- Personnage rusé -

Breton, ancien professeur de gouvernance d'entreprise à l'Université Harvard et auteur de plusieurs romans de science-fiction, souhaitait une Europe plus souveraine pour mieux défendre ses intérêts face aux défis de la Chine et des États-Unis.

Sa pensée était souvent en phase avec celle du gouvernement français, mais il insistait souvent sur le fait qu’il parlait au nom de l’Europe et pas seulement de Paris.

Pendant la pandémie de coronavirus, alors que les États-Unis et la Grande-Bretagne avaient livré avec succès des vaccins en 2021, l’UE avait pris du retard.

Le président français Thierry Breton a eu des relations tendues avec la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen

Von der Leyen a nommé Breton à la tête d'un groupe de travail pour régler la situation, et sa connaissance du monde des affaires s'est avérée utile.

Grâce à des visites d’usines et à des dialogues fréquents avec les dirigeants de l’industrie pharmaceutique, il a fait face aux Américains qui bloquaient des composants clés en menaçant de représailles.

Personnage rusé, il avait été pressenti pour obtenir une promotion au poste de vice-président de la commission chargée de la croissance industrielle, sous le second mandat de von der Leyen.

Au lieu de cela, il a secoué Bruxelles en démissionnant de manière surprenante avec effet immédiat, affirmant que von der Leyen avait cherché à la dernière minute à l'exclure de sa nouvelle équipe.