Gisèle Pelicot veut que « la honte change de camp »

Marseille (AFP) - Entrant chaque jour la tête haute au tribunal, l'ex-femme d'un Français jugé pour avoir orchestré dans son propre lit pendant près d'une décennie un viol collectif est devenue une icône féministe.

Avec sa coupe auburn désormais emblématique et ses lunettes noires, Gisele Pelicot, 71 ans, est devenue une figure de proue de la lutte contre l'usage de drogues à des fins d'abus sexuels.

Sa vie a basculé en 2020 lorsqu’elle a découvert que son partenaire de cinq décennies lui administrait secrètement depuis des années de fortes doses de tranquillisants pour la violer et inviter des dizaines d’étrangers à le rejoindre.

Mais elle a décidé de ne pas se cacher et a exigé que le procès de Dominique Pelicot, 71 ans, et de 50 coaccusés depuis le 2 septembre soit ouvert au public car, comme elle l'a dit par l'intermédiaire d'un de ses avocats, ce devrait être à ses agresseurs présumés - et non à elle - d'avoir honte.

« C'est une façon de dire... que la honte doit changer de camp », a déclaré son avocat Stéphane Babonneau à l'ouverture du procès.

Depuis lors, des militantes féministes ont utilisé son portrait stylisé réalisé par l’artiste belge Aline Dessine, sur lequel sont écrits les mots « La honte change de camp », pour montrer leur soutien et appeler à manifester.

L'artiste aux 2,5 millions d'abonnés sur TikTok a renoncé à tous les droits sur l'image.

- « Très courageux » -

Vendredi, à l'extérieur du tribunal d'Avignon, dans le sud du pays, la manifestante Nadège Peneau a déclaré qu'elle était pleine d'admiration pour le principal plaignant du procès.

« Ce qu’elle fait est très courageux », a-t-elle déclaré.

« Elle parle au nom de tant d'enfants, de femmes et même d'hommes » qui ont été victimes d'abus, a-t-elle ajouté.

Gisèle Pelicot a obtenu en août le divorce de son mari, qui a avoué les abus après les avoir méticuleusement documentés avec des photos et des vidéos.

Elle a demandé que le procès soit ouvert au public

Elle a quitté la ville de Mazan, dans le sud du pays, où, selon ses propres termes, pendant des années, il l’a traitée comme « un morceau de viande » ou une « poupée de chiffon ».

Elle utilise désormais son nom de jeune fille, mais a demandé aux médias, lors du procès, d'utiliser son ancien nom de femme mariée.

Son avocat, Antoine Camus, a déclaré qu'elle était passée d'une épouse dévouée et retraitée, qui aimait les promenades et le chant choral, à une femme des années 70 prête à se battre.

« Je devrai me battre jusqu'au bout », a-t-elle déclaré à la presse le 5 septembre, dans sa seule déclaration publique hors du tribunal au cours des premiers jours du procès qui a duré quatre mois.

« Ce n'est évidemment pas un exercice facile et je sens des tentatives de me piéger avec certaines questions », ajoute-t-elle calmement.

- 'Pas en vain' -

Fille d'un militaire, Gisèle Pelicot naît le 7 décembre 1952 en Allemagne et revient en France avec sa famille à l'âge de cinq ans.

Alors qu'elle n'avait que neuf ans, sa mère, âgée de 35 ans, est décédée d'un cancer.

Et j'ai juré de me battre « jusqu'à la fin »

« Dans ma tête, j’avais déjà 15 ans, j’étais déjà une petite femme », dit-elle, décrivant une enfance « sans beaucoup d’amour ».

Son frère aîné Michel est décédé d'une crise cardiaque à l'âge de 43 ans, avant son 20e anniversaire.

Elle a déclaré qu’elle n’était jamais du genre à montrer ses émotions en public.

« Dans la famille, on cache les larmes et on partage les rires », aurait déclaré l'un de ses avocats.

Elle rencontre Dominique Pelicot, son futur mari et violeur, en 1971.

Elle rêvait de devenir coiffeuse mais a finalement suivi des études pour devenir dactylo. Après quelques années d'intérim, elle a rejoint EDF, l'entreprise nationale d'électricité, où elle a terminé sa carrière dans le service logistique des centrales nucléaires.

À la maison, elle s'occupait de ses trois enfants, puis de sept petits-enfants, et faisait un peu de gymnastique.

Ce n'est que lorsque la police a surpris son mari en train de filmer les jupes des femmes dans un supermarché en 2020 qu'elle a découvert la véritable raison de ses troublants trous de mémoire.

Camus, son avocat, a déclaré que son client « n’a jamais voulu être un modèle ».

« Elle veut juste que tout cela ne soit pas vain », a-t-il déclaré.