Alors que beaucoup saluent le retour de la faune des zones humides dans le delta, les autorités locales se préparent à une bataille avec les agriculteurs qui veulent le drainer à nouveau.

Mahmudia (Roumanie) (AFP) - Le guide touristique Eugen Grigorov a piloté son bateau au milieu de moissonneuses-batteuses à moitié submergées et de cultures inondées l'an dernier dans une partie du delta du Danube reconquise par le grand fleuve.

Après la rupture d'une digue l'été dernier près de son village de Mahmudia, des pans entiers du delta, autrefois drainés par des terres agricoles, ont été à nouveau submergés, créant le deuxième plus grand lac de la région et un paradis pour la biodiversité malmenée de la région.

« N'est-ce pas merveilleux maintenant ? Il y a moins de pollution qu'avec les tracteurs et les herbicides », s'est exclamé cet homme de 51 ans, s'émerveillant devant les centaines de pélicans, canards et mouettes sauvages qui affluent vers le lac.

Mais alors que beaucoup saluent le retour de la faune des zones humides dans le delta, les autorités locales se préparent à une bataille avec les agriculteurs qui veulent que le delta soit à nouveau asséché.

- « Laissez le lac rester » -

Après la rupture d'une digue l'été dernier près du village de Mahmudia, des pans entiers du delta autrefois drainés par des terres agricoles ont été à nouveau submergés, créant le deuxième plus grand lac de la région et un paradis pour la biodiversité malmenée de la région.

Grigorov se souvient de la première fois que le delta a laissé la place aux cultures dans les années 1980, lorsque le dictateur communiste Nicolae Ceausescu a fait brûler les îles de roseaux et asséché les marais pour les transformer en terres agricoles.

Depuis les inondations, la zone est redevenue comme elle était il y a 40 ans, a déclaré à l'AFP le maire de Mahmudia, Ion Serpescu, ajoutant que la ville était "heureuse" après la rupture de la digue.

Serpescu a souligné l'importance des pêcheurs et des touristes qui viennent visiter son village au bord du lac, affirmant que « plus de 15 maisons d'hôtes ont été construites en deux ans » pour les accueillir.

Les pêcheurs et les touristes ont été attirés par la visite du village au bord du lac

Estimant le coût de la reconstruction de la digue à 20-30 millions d'euros (22-32 millions de dollars), cet homme de 67 ans estime qu'il n'y a pas vraiment d'intérêt à assécher à nouveau le lac.

« Laissez le lac tel qu’il est », a-t-il dit.

Beaucoup des 2 000 habitants de Mahmudia espèrent que le gouvernement roumain acceptera cette proposition, après qu'une commission d'experts a émis un avis en faveur de la restauration écologique du delta.

Lors d'une visite en juin, le ministre roumain de l'Environnement, Mircea Fechet, a déclaré que la nature « réparait déjà » les dégâts et que « le delta n'a fait que reconquérir ses propres terres ».

Beaucoup des 2 000 habitants de Mahmudia espèrent que le gouvernement roumain acceptera de conserver le lac, après qu'une commission d'experts a émis un avis en faveur de la restauration écologique du delta.

Mais d'autres étaient moins enthousiastes à l'idée, comme l'homme d'affaires Emanuel Dobronauteanu qui a poursuivi les autorités locales en dommages et intérêts après avoir perdu 730 hectares (1 804 acres) de blé, de maïs, de tournesol et de luzerne dans les inondations.

Exigeant une « juste compensation », l'homme de 58 ans a déclaré que les dommages estimés à deux millions de lei (435 000 dollars) causés par les inondations étaient un chiffre trop bas.

Mais lui-même a déclaré qu'il n'était pas complètement opposé au retour du lac, déclarant à l'AFP qu'il serait « très heureux » d'« aller là-bas pour pêcher » s'il était correctement indemnisé.

- « La nature prend son dû » -

Les écologistes affirment que laisser le lac inondé accélérerait le processus de restauration

En 2012, la Roumanie a lancé un projet visant à restaurer les écosystèmes endommagés du delta du Danube avec l'aide d'un financement de l'Union européenne.

Les écologistes affirment que laisser le lac inondé accélérerait le processus de restauration.

« Les écosystèmes aquatiques se rétablissent beaucoup plus vite que les forêts », explique le biologiste Dragos Balea, qui coordonne les programmes du groupe de conservation du Fonds mondial pour la nature (WWF) dans le delta.

« Si vous laissez un écosystème aquatique tranquille, en 10 à 15 ans, il récupérera plus de 70 pour cent » de sa biodiversité d'origine, a déclaré Balea à l'AFP.

Les signes sont déjà encourageants.

« De plus en plus d’oiseaux apparaissent », a-t-il déclaré, son projet surveillant plus de 90 espèces dans le delta.

La rupture de la digue, que les autorités locales ont imputée à une série de défauts de construction, n'a pas surpris le biologiste Dragos Balea

La rupture de la digue, que les autorités locales attribuent à une série de défauts de construction, n'a pas surpris le biologiste.

« On ne peut pas jouer avec la nature. La nature prend ce qui lui revient », a-t-il déclaré.