Carte de la RD Congo localisant la province du Nord-Kivu et sa capitale Goma.

Goma (RD Congo) (AFP) - Avec 20 civils tués par des militants liés au groupe État islamique et des combats rebelles se rapprochant de la capitale provinciale Goma, l'est de la République démocratique du Congo est apparu mardi dans la tourmente.

La nouvelle du massacre s'est répandue dans la matinée après une attaque survenue dans la nuit à la périphérie de la ville d'Oicha, dans le territoire de Beni, épicentre des ravages perpétrés depuis des années par les Forces démocratiques alliées (ADF), affiliées à l'EI, dans la province du Nord-Kivu.

Initialement déployés principalement par des rebelles ougandais musulmans, les ADF ont pris pied dans la région dans les années 1990 et sont accusés du massacre de milliers de civils.

Depuis 2019, certaines attaques des ADF dans l'est de la RD Congo ont été revendiquées par le groupe État islamique, qui appelle ces combattants l'État islamique Province d'Afrique centrale.

"Pour l'instant, nous avons 20 corps... La tension est forte, les ADF ont une nouvelle fois plongé Oicha dans le deuil", a déclaré mardi par téléphone à l'AFP le maire Nicolas Kikuku.

"Nous venons de déposer 26 corps à la morgue de l'hôpital général d'Oicha", a déclaré Darius Syaira, représentant de la société civile du territoire de Beni.

Il a précisé que les victimes étaient 12 mineurs et 14 adultes, et que la plupart avaient été tuées à coups de couteau.

Syaira a également déclaré que les tensions étaient vives à Oicha, les manifestants ayant incendié des véhicules humanitaires se préparant à distribuer de la nourriture.

« Nous n'avons pas besoin d'aide humanitaire, mais nous voulons la sécurité », a déclaré l'un des manifestants lorsqu'on lui a demandé pourquoi les habitants avaient attaqué les camions.

La police a déclaré que les ADF étaient à l'origine du meurtre d'un couple en lune de miel et de leur guide de safari dans l'un des parcs nationaux de l'Ouganda le 17 octobre. L'EI a revendiqué la responsabilité de l'attaque.

- "Nous devons fuir" -

Dans le sud du Nord-Kivu, les combats entre les rebelles du M23 et les groupes armés progouvernementaux se sont rapprochés mardi de Goma, des sources faisant état d'échanges de tirs dans un rayon de 20 kilomètres autour de la ville.

"Il y a des combats à Kibumba depuis ce matin", a déclaré à l'AFP une source sécuritaire ayant requis l'anonymat.

« Les rebelles affrontent les wazalendo (groupes fidèles au gouvernement). Le M23 vient de nous tirer deux bombes et nous ripostons», a ajouté la source.

« La situation est de pire en pire. Les deux camps échangent des tirs d’armes lourdes », a déclaré un habitant. "Nous devons fuir."

Le M23, qui s’est emparé de pans entiers du territoire de la province du Nord-Kivu depuis 2021, n’est que l’une des nombreuses milices qui contrôlent une grande partie de la région malgré la présence de soldats de maintien de la paix.

Le conflit s'est récemment intensifié autour de Goma, où vivent plus d'un million d'habitants, les rebelles du M23 et les groupes armés fidèles au gouvernement rompant une trêve précaire.

Officiellement, l'armée respecte le cessez-le-feu, mais des témoins affirment que soldats et loyalistes pro-gouvernementaux combattent ensemble contre le M23.

L'agence humanitaire des Nations Unies OCHA a déclaré que près de 200 000 personnes ont été déplacées depuis le 1er octobre dans les territoires de Rutshuru et Masisi, au nord de Goma.

Les combats, qui touchent également le territoire de Nyiragongo, plus proche de Goma, ont fait des dizaines de morts ces dernières semaines.

Des experts indépendants de l'ONU, le gouvernement de Kinshasa et plusieurs pays occidentaux, dont les États-Unis et la France, accusent le Rwanda de soutenir le M23 dirigé par les Tutsi – ce que Kigali nie.

En mai, la RDC a accusé son voisin et le M23 d'avoir planifié une attaque sur Goma, frontière avec le Rwanda.

Le porte-parole du gouvernement, Patrick Muyaya, a évoqué lundi « une énième incursion » de l'armée rwandaise sur le territoire de la RDC la semaine dernière, avec « une cinquantaine » de civils tués par les rebelles du M23.

Un porte-parole du M23 a démenti mardi.

L’Ouganda et la RDC ont lancé une offensive conjointe en 2021 contre les ADF pour chasser les militants de leurs bastions congolais, mais les attaques se sont poursuivies.

Une force de la Communauté d'Afrique de l'Est a été déployée depuis la fin de l'année dernière, mais, comme la force de l'ONU en RDC, elle a fait l'objet de vives critiques de la part de Kinshasa pour son incapacité à mettre un terme aux violences.