Macron s'est adressé à la France pour la première fois depuis la promulgation de sa réforme controversée des retraites

Paris (AFP) - Le président Emmanuel Macron a défendu lundi avec fermeté sa réforme des retraites largement impopulaire mais a regretté qu'aucun consensus n'ait été trouvé sur le changement.

S'adressant à la France pour la première fois depuis la signature de la réforme, Macron a déclaré qu'il comprenait la "colère" ressentie par les Français face au relèvement de l'âge de la retraite.

Macron a signé la législation tôt samedi, quelques heures seulement après que son changement de bannière pour relever l'âge de la retraite de 62 à 64 ans ait été validé par la Cour constitutionnelle, suscitant des accusations selon lesquelles il faisait passer la loi en contrebande en pleine nuit.

Après trois mois de manifestations et de grèves, la gauche et les syndicats ont juré de ne pas céder et ont mis en garde contre des manifestations de masse à la fête du Travail le 1er mai.

Les sondages ont constamment enregistré une majorité de Français opposés à la réforme, que le gouvernement a fait adopter au Parlement en utilisant un mécanisme controversé pour éviter un vote.

S'exprimant depuis l'Elysée, Macron a défendu la réforme comme "nécessaire" et a insisté sur le fait que "ne rien faire" n'était pas une solution.

« Cette réforme a-t-elle été acceptée ? Évidemment pas. Et malgré des mois de consultations, aucun consensus n'a pu être trouvé et je le regrette.

Après le discours, des dizaines ont rejoint une manifestation spontanée à Paris

Constatant les protestations qui ont fait rage contre la réforme, il a ajouté : "Personne, surtout pas moi, ne peut rester sourd à cette exigence de justice sociale".

"La réponse ne peut être ni dans la rigidité, ni dans l'extrémisme", a déclaré le président, ajoutant que sa "porte sera toujours ouverte" aux pourparlers avec les syndicats.

La cote de popularité personnelle de Macron s'est érodée, certains analystes suggérant qu'il a donné une longueur d'avance à la dirigeante d'extrême droite Marine Le Pen sur le long chemin des élections de 2027.

- 'Ça ne sert à rien d'écouter' -

Les syndicats ont quant à eux rejeté une invitation à l'Elysée pour des pourparlers.

Pendant que le président parlait, des milliers de personnes se sont rassemblées devant les mairies à travers la France, frappant des casseroles dans le but d'étouffer le discours.

« Il ne nous a pas écoutés depuis trois mois. Nous faisons cela pour montrer qu'il ne sert à rien de l'écouter non plus », a déclaré à Paris la projectionniste de 57 ans, Bénédicte Delgehier.

Après le discours, des dizaines de personnes se sont jointes à une manifestation spontanée dans la capitale, incendiant des poubelles, la police tirant des grenades lacrymogènes pour les disperser, ont indiqué des correspondants de l'AFP.

Pendant que le président parlait, des milliers de personnes se sont rassemblées devant les mairies à travers la France, frappant des casseroles dans le but d'étouffer le discours

Les opposants de tous bords ont déclaré que le discours de Macron n'avait fait que renforcer les inquiétudes quant à la manière dont la réforme était gérée.

"Il a choisi de tourner le dos aux Français et d'ignorer leurs souffrances", a déclaré Marine Le Pen, figure de proue de l'extrême droite et ancienne candidate à la présidentielle.

Le leader de la gauche dure Jean-Luc Melenchon a déclaré que Macron était "totalement déconnecté de la réalité".

Le dirigeant syndical CFDT, Laurent Berger, a ajouté qu'il ne contenait "rien de concret" pour le mouvement ouvrier et a déclaré que Macron n'avait "pas prononcé un mot" sur l'apaisement des tensions.

Peut-être plus troublant pour le président, le chef des républicains de droite qui a soutenu la réforme, Eric Ciotti, a qualifié le discours de "catalogue de voeux pieux" et a déclaré que "la méthode de Macron n'avait manifestement pas changé".

Macron a déclaré qu'il avait chargé son gouvernement dirigé par le Premier ministre Elisabeth Borne de mener 100 jours d'action "au service de la France".

- 'À portée de gifle' -

Macron a déclaré qu'il comprenait la "colère" ressentie par les Français face au relèvement de l'âge de la retraite

Le Premier ministre devrait présenter une feuille de route dans les prochains jours, les premiers résultats devant être annoncés lors de la fête nationale française le 14 juillet, a déclaré Macron.

Il a promis "des annonces majeures" courant mai dont des actions contre la délinquance juvénile mais aussi "un renforcement des contrôles contre l'immigration clandestine".

Macron avait auparavant déjeuné avec Borne, puis rencontré des personnalités clés de son parti, notamment des étoiles montantes ultra-loyales pressenties pour des promotions telles que le ministre de la Défense Sébastien Lecornu, 36 ans, et le ministre du Budget Gabriel Attal, 34 ans.

Mais aucun remaniement ministériel n'est prévu dans un futur proche, ont indiqué à l'AFP plusieurs sources proches de la présidence.

Le président, souvent rongé par la diplomatie, effectuera également cette semaine au moins un voyage en France après avoir été critiqué pour son incapacité à se connecter avec les gens.

"Je veux que Macron passe plus de temps sur le terrain", a déclaré un ministre, qui a demandé à ne pas être nommé. Même "à portée d'être giflé".

La crise survient également à un moment de défis croissants sur la scène internationale pour Macron, qui a été accusé de se rapprocher de la Chine lors d'une visite à Pékin.

Macron, 45 ans, est arrivé au pouvoir en 2017 en promettant une réforme et une nouvelle politique. Mais ses opposants lui reprochent un comportement de plus en plus reclus et anti-démocratique.

"Emmanuel Macron est loin d'avoir fini d'avoir à faire face à la crise sociale et politique, qu'il continue d'attiser dangereusement", a déclaré le journal Le Monde dans un éditorial.