La police attend autant de manifestants que le 31 janvier, sinon plus

Paris (AFP) - Les syndicats français se sont dirigés mardi vers une confrontation cruciale contre le président Emmanuel Macron, avec de nouvelles grèves et manifestations prévues contre une réforme controversée des retraites qui repousserait l'âge de la retraite pour des millions de personnes.

Les syndicats se sont engagés à immobiliser le pays sur les changements proposés, qui incluent le relèvement de l'âge minimum de la retraite de 62 à 64 ans et l'augmentation du nombre d'années pendant lesquelles les personnes doivent cotiser pour une pension à taux plein.

"J'appelle tous les salariés, citoyens et retraités du pays qui sont contre la réforme des retraites à manifester massivement", a déclaré lundi le chef du syndicat CFDT, Laurent Berger, à la radio France Inter.

"Le président ne peut pas rester sourd" aux protestations, a-t-il ajouté.

Macron a placé le plan au centre de sa campagne de réélection l'année dernière, et son cabinet affirme que les changements sont essentiels pour éviter que le système de retraite ne tombe en déficit dans les années à venir.

Mais ils font face à une résistance féroce de la part du parlement et de la rue, près de deux personnes sur trois à travers le pays soutenant les manifestations contre elle, selon un sondage du groupe d'enquête Elabe publié lundi.

"Ils ont raison d'être en grève", a déclaré Ali Touré, un ouvrier du bâtiment de 28 ans, alors qu'il attendait un RER retardé dans une gare au nord de Paris.

« Le travail manuel est difficile. Ce n'est pas grave si j'arrive en retard pendant un mois, mon patron attendra ! il a dit.

Le syndicat de la ligne dure CGT a déclaré que les livraisons de carburant des raffineries à travers la France avaient été bloquées à partir de mardi matin, ce qui pourrait voir les stations-service manquer si les manifestations se poursuivent comme l'espèrent les syndicats.

« La grève a commencé partout… avec des livraisons bloquées de toutes les raffineries ce matin », a déclaré Eric Sellini, coordinateur de branche pour la CGT.

- Plus d'un million attendu -

Les syndicats ont mis en garde contre des grèves continues dans les transports publics qui pourraient paralyser certaines parties du pays pendant des semaines.

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La police s'attend à ce que 1,1 million à 1,4 million de personnes descendent dans la rue mardi dans plus de 260 localités du pays, a déclaré à l'AFP une source sous couvert d'anonymat.

La limite supérieure de cette fourchette signifierait une opposition plus forte que lors des cinq jours précédents de rassemblements qui ont eu lieu depuis la mi-janvier.

Lors de la plus grande journée de manifestations à ce jour, 1,27 million de personnes ont manifesté le 31 janvier, selon les chiffres officiels.

Des manifestations se formaient déjà tôt mardi matin, le service public d'information routière signalant qu'une route nationale de la ville de Rennes était bloquée par une centaine de manifestants depuis 1 heure du matin.

A l'approche de mardi, les syndicats avaient promis de mettre le pays "à l'arrêt".

Seul un train régional et à grande vitesse sur cinq devrait circuler, tandis qu'un syndicaliste de premier plan représentant les travailleurs de la raffinerie s'est engagé à mettre l'économie française "à genoux".

Les professeurs des écoles doivent également organiser des débrayages.

La Première ministre Elisabeth Borne a déclaré lundi à la télévision française que si elle respectait le droit de manifester, un statu quo à l'échelle nationale pénaliserait avant tout « les plus fragiles » de la population.

- 'Besoin de travailler plus longtemps' -

Le gouvernement a fait valoir que les changements sont cruciaux pour empêcher le système de retraite français de tomber dans de graves déficits dans les années à venir.

« Si nous voulons maintenir ce système, nous devons travailler plus longtemps », a déclaré Macron le mois dernier.

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Mais les syndicats contestent cette conclusion et affirment que de petites augmentations des cotisations pourraient la maintenir solvable. Ils soutiennent également que les mesures proposées sont injustes et affecteraient de manière disproportionnée les travailleurs peu qualifiés occupant des emplois fatigants et qui commencent leur carrière tôt.

Selon une enquête d'Elabe, 56 % des personnes interrogées ont déclaré qu'elles soutenaient les grèves continues et 59 % ont soutenu l'appel à l'arrêt du pays.

Le projet de loi est actuellement débattu à la chambre haute du parlement, après deux semaines de débats houleux à la chambre basse qui se sont terminés sans même parvenir à un vote sur le relèvement de l'âge de la retraite.

Le débat de lundi au Sénat s'est prolongé jusqu'après 3 heures du matin mardi matin, la majorité de droite du corps rejetant les propositions alternatives de financement du système de retraite présentées par la gauche. Le débat devrait reprendre à 14h30.

Le gouvernement centriste espère faire passer la réforme au parlement avec l'aide de la droite, sans recourir à un mécanisme controversé qui contournerait un vote parlementaire mais risquerait d'alimenter davantage de protestations.

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