La défaite a été un revers personnel majeur pour Darmanin

Paris (AFP) - Le gouvernement français a insisté mardi sur le fait qu'il mettrait en œuvre des mesures sévères contre les migrants illégaux alors qu'il lutte contre une crise politique suite au rejet de son projet de loi phare sur l'immigration par la chambre basse du Parlement.

Lundi, à la surprise générale, des membres de l'opposition ont uni leurs forces à l'Assemblée nationale pour voter contre la législation controversée visant à durcir la loi française – sans même débattre des mesures.

Le rejet de l'une des initiatives phares du gouvernement constitue une défaite humiliante pour le président français Emmanuel Macron qui ne dispose pas de majorité au Parlement et survient dans un contexte de débat de société houleux autour de l'immigration et de la sécurité.

Macron a tenu une réunion de crise mardi avec la Première ministre Elisabeth Borne et des ministres clés, décidant de maintenir la tentative d'adoption du projet de loi et de renvoyer le projet de loi en commission parlementaire, a indiqué le gouvernement.

Selon une source gouvernementale, Macron aurait dénoncé lors d'un conseil des ministres ultérieur le « cynisme » des membres de l'opposition, les accusant de chercher à « faire obstruction au pays ».

« Nous avons besoin d’une loi sur l’intégration et l’immigration », aurait déclaré Macron.

S'exprimant devant le Parlement, Borne a déclaré qu'en unissant leurs forces, l'alliance de gauche NUPES et l'extrême droite ne rendaient pas service aux Français.

« Vous ne leur offrez que le chaos. C'est irresponsable, c'est dangereux", a-t-elle déclaré.

Borne a déclaré que le gouvernement recherchait un compromis mais était déterminé à adopter « des mesures fortes pour nos concitoyens ».

- 'Mesures fermes' -

Macron a rejeté lundi l'offre du ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, qui a dirigé le projet de loi, de se retirer, lui ordonnant plutôt de trouver de nouveaux moyens de sortir de l'impasse.

Darmanin a déclaré souhaiter que des « mesures fermes » soient mises en place d’ici la fin de l’année.

Des groupes de défense ont critiqué le projet de loi, affirmant que la France dépend des migrants, notamment des travailleurs sans papiers dans de nombreux secteurs.

Initialement proposé par le gouvernement centriste de Macron avec une combinaison de mesures visant à expulser davantage de personnes sans papiers et à améliorer l'intégration des migrants, le projet de loi a été critiqué à la fois par l'extrême droite et l'extrême gauche pour des raisons opposées.

Darmanin a exhorté lundi l'Assemblée nationale à débattre du projet de loi, mais les législateurs ont soutenu la motion de rejet par 270 voix contre 265.

L'adoption de la motion a entraîné l'interruption de l'examen des quelque 2 600 amendements proposés au projet de loi.

Le projet de loi penche désormais fermement vers l’application après son passage antérieur par la chambre haute du Sénat, qui est contrôlée par la droite.

Le gouvernement va maintenant envoyer le projet de loi à une commission parlementaire dite mixte, composée de sénateurs de la chambre haute et de députés de la chambre basse, dans le but d'élaborer un texte de compromis, a déclaré le porte-parole du gouvernement Olivier Véran.

Il commencera ses travaux « dès que possible », a-t-il déclaré.

Le président Emmanuel Macron a convoqué les ministres, dont Darmanin, pour une réunion

La version de compromis devra encore être soutenue par les deux chambres du Parlement.

Le gouvernement pourrait à nouveau choisir de déclencher l’article 49.3 de la Constitution, qui lui permet d’adopter des lois sans vote, comme il l’a fait pour la réforme controversée des retraites plus tôt cette année.

Mais le gouvernement veut éviter de brandir ce marteau constitutionnel largement impopulaire, qui peut également déclencher un vote de censure.

L'extrême droite a appelé à la dissolution de la chambre basse du Parlement et à des élections anticipées.

"Face à cette crise politique majeure, il faut revenir au peuple", a déclaré sur BFMTV Jordan Bardella, chef du Rassemblement national (RN) d'extrême droite.

La gauche a déclaré que le projet de loi devait être abandonné.

- "De moins en moins de contrôle" -

La population immigrée de la France est estimée à 5,1 millions, soit 7,6 pour cent de la population. Les autorités estiment qu'il y aurait entre 600 000 et 700 000 immigrés illégaux dans le pays.

En Grande-Bretagne voisine, le projet du Premier ministre Rishi Sunak visant à mettre fin à la migration irrégulière avec des vols d'expulsion vers le Rwanda a également déclenché une crise.

Dans les deux pays, l’augmentation du nombre de demandeurs d’asile, la pénurie chronique de logements abordables et la crise du coût de la vie ont aggravé les tensions sociales.

Le résultat est profondément frustrant pour Macron, que les médias français considèrent comme un canard boiteux potentiel alors qu’il passera le reste de son mandat sans pouvoir se présenter une troisième fois en 2027.

Le rejet du projet de loi « met en évidence le fait que le gouvernement a de moins en moins de contrôle », estime le quotidien Le Monde.