Des partisans et des membres de la communauté kurde se sont rassemblés à Paris après la mort de trois personnes lors d'une attaque vendredi

Paris (AFP) - Un Français soupçonné d'avoir tué trois personnes lors d'une attaque "raciste" dans un centre culturel kurde à Paris a été transféré dans une unité psychiatrique, ont indiqué les procureurs, alors que la police et des manifestants s'affrontaient dans la capitale française.

Les procureurs ont déclaré que le suspect blanc de 69 ans avait été retiré de sa garde à vue pour des raisons de santé samedi et emmené dans un établissement psychiatrique de la police.

Les tirs du centre culturel et d'un salon de coiffure à proximité ont semé vendredi la panique dans le 10e arrondissement animé de la ville, qui abrite plusieurs boutiques et restaurants et une importante population kurde.

Trois autres personnes ont été blessées dans l'attaque que le suspect a déclaré aux enquêteurs comme étant "raciste", a indiqué une source proche du dossier.

Le parquet de Paris a indiqué qu'un médecin avait examiné l'état de santé du suspect samedi après-midi et l'avait jugé "non compatible avec la mesure de garde à vue".

La garde à vue de l'homme a été levée et il a été conduit dans une unité psychiatrique de la police dans l'attente d'une comparution devant un juge d'instruction alors que l'enquête se poursuit, a ajouté le procureur.

La fusillade a ravivé le traumatisme de trois meurtres non résolus de Kurdes en 2013 que beaucoup imputent à la Turquie.

De nombreux membres de la communauté kurde ont exprimé leur colère contre les services de sécurité français, affirmant qu'ils avaient fait trop peu pour empêcher la fusillade.

La frustration a débordé samedi et des manifestants furieux se sont affrontés avec la police dans le centre de Paris pour la deuxième journée consécutive après un rassemblement en hommage.

Le chef de la police de la capitale, Laurent Nunez, a déclaré à la chaîne de télévision BFM que 31 policiers et un manifestant ont été blessés dans les troubles, tandis que 11 personnes ont été interpellées, « principalement pour des dommages ».

A Paris, les gens ont observé une minute de silence pour les trois tués et ceux "qui sont morts pour la liberté"

Plus tôt dans la journée de samedi, le parquet de Paris avait prolongé de 24 heures la garde à vue du suspect et prononcé une inculpation supplémentaire pour avoir agi dans un "motif raciste".

Il était déjà détenu pour suspicion de meurtre, tentative de meurtre, violence armée et violation de la législation sur les armes.

Le président français Emmanuel Macron a déclaré que les Kurdes de France étaient "la cible d'une attaque odieuse" et a ordonné à Nunez de rencontrer samedi les dirigeants de la communauté kurde.

- Violences racistes -

Le suspect, qui a des antécédents de violences racistes, a d'abord visé le centre culturel kurde avant d'entrer dans un salon de coiffure où il a été interpellé.

Il a été retrouvé avec une mallette chargée d'une boîte d'au moins 25 cartouches et "deux ou trois chargeurs chargés", a indiqué la source proche du dossier.

L'arme était un pistolet Colt 1911 de l'armée américaine "très utilisé".

Plan de tournage à Paris

Sur les trois blessés, un était en soins intensifs à l'hôpital et deux ont été soignés pour des blessures graves.

Selon le Conseil démocratique kurde de France (CDK-F), parmi les morts figuraient une femme et deux hommes.

Emine Kara était une dirigeante du Mouvement des femmes kurdes en France, a déclaré le porte-parole de l'organisation, Agit Polat. Sa demande d'asile politique en France avait été rejetée.

Les autres victimes étaient Abdulrahman Kizil et Mir Perwer, réfugié politique et artiste, selon le CDK-F.

Une source policière a confirmé que Kara et Kizil faisaient partie des victimes.

- 'Douleur et incrédulité' -

Des milliers de Kurdes se sont rassemblés place de la République dans le centre de Paris samedi après-midi où ils ont observé une minute de silence pour les trois tués et ceux "qui sont morts pour la liberté".

"Ce que nous ressentons, c'est de la douleur et de l'incrédulité parce que ce n'est pas la première fois que cela arrive", a déclaré à l'AFP Esra, une étudiante de 23 ans.

La police a tiré des gaz lacrymogènes après que des affrontements ont éclaté et les manifestants ont lancé des projectiles sur les policiers. Selon des journalistes de l'AFP présents sur les lieux, au moins quatre voitures ont été renversées et une brûlée.

Plus de 1 000 personnes ont organisé un rassemblement pacifique similaire dans la ville portuaire méridionale de Marseille, mais il s'est terminé par des affrontements avec des officiers et au moins deux voitures de police ont été incendiées.

Quelques heures après l'attaque, des manifestants kurdes ont affronté la police

Trois militantes kurdes ont été tuées en 2013 dans le même quartier de Paris et les familles des victimes pointent depuis longtemps du doigt la Turquie pour avoir orchestré ces morts.

Malgré les soupçons, il ne semble y avoir aucune preuve que la fusillade de vendredi ait eu des motifs politiques ou soit liée à la Turquie.

Quelques heures après l'attaque, les forces de sécurité ont tiré des gaz lacrymogènes pour disperser les manifestants qui tentaient de franchir un cordon de police déployé pour protéger le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, arrivé sur les lieux.

Darmanin avait déclaré vendredi que si l'assaillant "visait clairement des étrangers", il n'était "pas certain" que l'homme visait à tuer "des Kurdes en particulier".

- 'Il est fou' -

Le suspect – nommé William M. par les médias français – est un passionné d'armes à feu avec des antécédents d'infractions liées aux armes qui avait été libéré sous caution au début du mois.

Le conducteur de train à la retraite a été condamné pour violence armée en 2016 par un tribunal de la banlieue multiculturelle de Seine-Saint-Denis à Paris, mais a fait appel.

Un an plus tard, il a été reconnu coupable de possession illégale d'une arme à feu.

L'année dernière, il a été inculpé de violences racistes après avoir prétendument poignardé des migrants et lacéré leurs tentes avec une épée dans un parc de l'est parisien.

"Il est fou, c'est un idiot", aurait déclaré son père sur la chaîne de télévision M6.

Souvent décrits comme le plus grand peuple sans État du monde, les Kurdes sont un groupe ethnique musulman réparti en Syrie, en Turquie, en Irak et en Iran.

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