L'eurodéputée grecque Eva Kaili a, par l'intermédiaire de son avocat, clamé son innocence pour avoir accepté des pots-de-vin des hôtes de la Coupe du monde, le Qatar, en échange d'avoir influencé la politique de l'UE

Strasbourg (France) (AFP) - Le Parlement européen a limogé mardi l'un de ses vice-présidents sur fond d'accusations de corruption qui seraient liées à l'hôte de la Coupe du monde, le Qatar, alors que l'institution tente de contenir le scandale.

Les eurodéputés de l'assemblée ont voté à 625 contre un pour dépouiller l'eurodéputée socialiste grecque Eva Kaili de son poste de vice-présidente, bien que son avocat ait déclaré qu'elle était innocente et "n'a rien à voir avec les pots-de-vin du Qatar".

Alors que l'ancienne présentatrice du journal télévisé de 44 ans était incarcérée dans une cellule de la prison bruxelloise, ses collègues du parlement de Strasbourg s'efforcent de prendre leurs distances avec la souillure du scandale.

La présidente du parlement, la conservatrice maltaise Roberta Metsola, a appelé au vote après être parvenue à un accord avec les dirigeants des groupes politiques du parlement, craignant que le scandale ne se propage.

Mercredi, un juge belge décidera s'il y a lieu de maintenir Kaili et trois co-accusés en garde à vue dans l'attente de leur procès.

Elle a été arrêtée la semaine dernière lors d'une série de descentes d'enquêteurs belges sur la corruption au domicile et dans les bureaux de plusieurs députés européens et de leurs assistants ou associés.

- Des sacs d'argent-

Les procureurs belges ont déclaré que 600 000 euros (630 000 dollars) avaient été retrouvés au domicile d'un suspect, 150 000 euros dans l'appartement d'un député européen et plusieurs centaines de milliers d'euros dans une valise dans une chambre d'hôtel.

Certains de ces "sacs d'argent" ont été retrouvés au domicile de Kaili, a indiqué une source judiciaire, amenant un juge à conclure que, comme elle avait apparemment été prise en flagrant délit, son immunité parlementaire ne s'appliquerait pas.

Une source judiciaire belge a déclaré à l'AFP que les enquêteurs pensent que des personnalités représentant la monarchie du Golfe, le Qatar, ont payé des politiciens européens pour redorer l'image du pays.

Le Qatar est un fournisseur d'énergie clé pour l'Europe et joue un rôle d'intermédiaire important dans plusieurs démêlés diplomatiques, mais il a également été critiqué pour les mauvais traitements présumés infligés aux travailleurs migrants, notamment ceux qui ont construit les stades de la Coupe du monde.

Kaili s'est rendue au Qatar juste avant le concours et l'a qualifié de « précurseur en matière de droits du travail », à la consternation des militants et de certains de ses collègues. Elle a également défendu la quête du Qatar pour obtenir des exemptions de visa de l'UE pour ses citoyens.

Le Qatar a nié toute implication dans la corruption européenne. "Toutes les allégations d'inconduite de l'État du Qatar sont gravement mal informées", a déclaré un responsable à l'AFP.

L'avocat de Kaili, Michalis Dimitrakopoulos, a déclaré à la chaîne de télévision privée grecque Open TV : « Sa position est qu'elle est innocente. Elle n'a rien à voir avec les pots-de-vin du Qatar.

Lorsqu'on lui a demandé si de l'argent liquide avait été trouvé au domicile de Kaili, Dimitrakopoulos a répondu : « Je ne confirme ni ne nie. Il y a la confidentialité. Je n'ai aucune idée si de l'argent a été trouvé ou combien a été trouvé.

Mais Bruxelles a été secouée par ces revendications et Metsola, défendant l'intégrité du parlement, a cherché à présenter les pots-de-vin présumés comme une attaque contre la démocratie.

Certains députés se sont préparés à plus de révélations. « Je crains que ce que nous voyons ici ne soit que la pointe de l'iceberg », a averti le social-démocrate allemand René Repasi.

Metsola a également promis que la demande d'exemption de visa du Qatar pour l'UE serait renvoyée à une commission parlementaire pour un examen plus approfondi, retardant ou faisant dérailler la mesure.

- Autres allégations -

Kaili était l'une des six personnes arrêtées lors des descentes de la police belge. Quatre ont été inculpés d'"organisation criminelle, corruption et blanchiment d'argent" et deux libérés.

L'un de ceux qui ont été libérés était Luca Visentini, le secrétaire général de la Confédération syndicale internationale, une organisation syndicale mondiale qui a poussé le Qatar sur les droits du travail.

"Si d'autres allégations devaient être faites, j'attends avec impatience l'occasion de les réfuter, car je suis innocent de tout acte répréhensible", a-t-il déclaré dans un communiqué de la CSI.

Le Parlement européen devrait également approuver un deuxième texte appelant à plus de transparence pour dissuader la corruption dans les institutions européennes, qui sera soumis au vote jeudi.