Le Premier ministre français Sébastien Lecornu risque d'être renversé par l'opposition dans un Parlement profondément divisé

Paris (AFP) - Le président français Emmanuel Macron a nommé dimanche un nouveau gouvernement, réunissant une équipe de visages largement familiers sous la direction du Premier ministre Sébastien Lecornu alors qu'il s'efforce de sortir le pays d'une crise politique.

La nouvelle composition du cabinet a été dévoilée près d'un mois après la nomination de Lecornu, septième Premier ministre de Macron.

Le dernier Premier ministre risque d'être renversé par l'opposition dans un parlement profondément divisé malgré ses efforts pour obtenir un soutien interpartis, et les dirigeants de l'opposition de droite et de gauche étaient furieux dimanche soir.

Bruno Le Maire, ministre de l'Economie de 2017 à 2024, a été nommé ministre de la Défense à un moment très sensible de tension avec la Russie au sujet de l'Ukraine.

Roland Lescure, un fidèle de Macron, a été nommé pour prendre en charge le portefeuille de l'Economie, avec la difficile tâche de présenter un plan budgétaire d'austérité pour l'année prochaine.

Mais de nombreux autres ministres clés ont conservé leur poste.

Le ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot a conservé son poste, a indiqué la présidence.

Le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau, qui s'est engagé à lutter contre l'immigration clandestine, et le ministre de la Justice Gérald Darmanin sont tous deux restés sur place.

Rachida Dati, ministre de la Culture en proie à des scandales et qui doit être jugée pour corruption l'année prochaine, est également restée en poste.

La présidence a dévoilé un total de 18 noms, d'autres nominations devant être annoncées ultérieurement.

- 'Cortège des revenants' -

La dirigeante d’extrême droite Marine Le Pen a déclaré que la nouvelle composition du gouvernement était « pathétique ».

Jordan Bardella, 30 ans, chef du Rassemblement national de Le Pen, s'est également moqué du gouvernement et a réitéré la menace de censure.

« Nous avons été clairs avec le Premier ministre : c'est soit une rupture avec le passé, soit une motion de censure », a-t-il déclaré sur X.

Bardella a déclaré que la composition du cabinet était « résolument axée sur la continuité et absolument pas sur la rupture avec le passé ».

Marine Le Pen, dont le parti estime avoir les meilleures chances d'arriver au pouvoir, a déclaré qu'elle attendait d'entendre le discours de politique générale de Lecornu mardi avant de décider de toute autre ligne de conduite.

Boris Vallaud, chef des députés socialistes, a accusé les partisans de Macron de chercher à plonger la France « davantage dans le chaos ».

« Ils perdent les élections, mais ils gouvernent. Ils n'ont pas de majorité, mais refusent tout compromis », a-t-il déclaré sur X.

Le chef du groupe d'extrême gauche La France Insoumise, Jean-Luc Mélenchon, a fustigé ce qu'il a décrit comme un « cortège de revenants » provenant principalement de la droite, qui, selon lui, « ne durera pas ».

« Le compte à rebours pour s’en débarrasser a commencé », a-t-il déclaré sur X.

Certains dirigeants de l’opposition ont exhorté Macron à convoquer des élections législatives anticipées, voire à démissionner.

Macron, qui n'est plus au pouvoir que dans 18 mois et qui connaît une popularité à son plus bas niveau, a insisté sur le fait qu'il terminerait son mandat jusqu'au bout.

- 'Quel gâchis' -

Lecornu pourrait être renversé d'ici la fin de la semaine prochaine, a déclaré à l'AFP Mujtaba Rahman, directeur Europe du cabinet d'analyse de risques Eurasia Group.

« Ses chances de survie s'amenuisent », a-t-il dit. « L'ambiance s'assombrit. »

Paul Taylor, chercheur invité senior au Centre de politique européenne, a déclaré que la politique française était de plus en plus guidée par « la colère et l’émotion plutôt que par la rationalité ».

« Si Lecornu échoue, je ne vois pas d'autre alternative qu'une dissolution », a-t-il déclaré à l'AFP. « Dans quel pétrin la France est-elle coincée jusqu'en 2027, et peut-être plus longtemps. »

Les deux prédécesseurs immédiats de Lecornu, François Bayrou et Michel Barnier, ont été évincés lors d'un bras de fer législatif sur le budget d'austérité de la France.

La dette publique de la France a atteint un niveau record, selon les données officielles publiées la semaine dernière.

Le ratio dette/PIB de la France est désormais le troisième plus élevé de l'Union européenne après celui de la Grèce et de l'Italie, et est proche du double des 60 % autorisés par les règles de l'UE.

La France est dans l’impasse depuis que Macron a misé sur des élections anticipées au milieu de l’année dernière dans l’espoir de renforcer son autorité.

Cette décision s’est retournée contre eux, les électeurs ayant élu un parlement divisé entre trois blocs rivaux.

En nommant Lecornu début septembre, Macron a choisi l’un de ses plus proches alliés plutôt que de chercher à élargir l’attrait du gouvernement à l’ensemble du spectre politique.

Au cours du mois dernier, le nouveau Premier ministre a tenu une série de consultations avec ses alliés centristes et les dirigeants de l'opposition de droite et de gauche pour tenter de s'entendre sur un pacte de non-agression au Parlement et d'adopter le budget.

Ces derniers jours, il a annoncé un certain nombre de concessions, notamment la promesse de ne pas imposer son budget d'austérité au Parlement sans vote, mais les dirigeants de l'opposition ont déclaré qu'ils en voulaient davantage.