De la fumée s'échappe lors du bombardement israélien sur Khan Yunis, non loin de Rafah

Bande de Gaza (Territoires palestiniens) (AFP) - Les dirigeants du Hamas à Gaza ont averti samedi que l'opération militaire prévue par Israël dans la ville surpeuplée de Rafah pourrait faire "des dizaines de milliers" de victimes dans la ville devenue le dernier refuge des Palestiniens déplacés.

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a ordonné à l'armée de jeter son dévolu sur Rafah, demandant vendredi soir aux responsables militaires et sécuritaires de "soumettre au cabinet un plan combiné pour évacuer la population et détruire les bataillons" du Hamas dans la ville du sud.

Le Hamas a déclaré dans un communiqué que toute action militaire aurait des répercussions catastrophiques qui « pourraient conduire à des dizaines de milliers de martyrs et de blessés si Rafah… est envahie ».

L'annonce de Netanyahu, intervenue quelques heures seulement après que le président américain Joe Biden a émis ses plus vives critiques à l'égard de la réponse d'Israël à l'attaque du 7 octobre, a suscité l'inquiétude des dirigeants mondiaux et des Nations Unies.

Carte de la bande de Gaza avec le nombre de personnes déplacées internes (PDI) dans les centres collectifs, par gouvernorat, selon les données du Shelter Cluster au 22 janvier

« La démarche de l'occupation israélienne menace la sécurité et la paix dans la région et dans le monde. Il s’agit d’une violation flagrante de toutes les lignes rouges », a déclaré le bureau du président palestinien Mahmud Abbas.

Le ministre jordanien des Affaires étrangères, Ayman Safadi, a averti qu'« un autre bain de sang à Gaza ne peut être autorisé », dans un message sur X, anciennement Twitter.

« Une attaque israélienne contre 1,5 million de Palestiniens déjà confrontés à des conditions inhumaines à Rafah provoquerait un massacre de personnes innocentes », a-t-il écrit, appelant « le monde entier » à l’empêcher.

L’Espagne et l’Allemagne se sont jointes à l’Arabie saoudite pour mettre en garde contre une « catastrophe humanitaire » si le plan se réalisait.

"Nous appelons au cessez-le-feu, à la libération des otages, au respect du droit international humanitaire et à l'entrée de l'aide", a posté sur X le ministre espagnol des Affaires étrangères, José Manuel Albares.

Un Palestinien porte le corps d'un enfant tué lors du dernier bombardement de Rafah

La guerre à Gaza a été déclenchée par l'attaque sans précédent du groupe islamiste palestinien Hamas contre Israël le 7 octobre, qui a fait environ 1.160 morts, pour la plupart des civils, selon un décompte de l'AFP basé sur des chiffres officiels.

En promettant d'éliminer le Hamas, Israël a lancé une offensive militaire massive à Gaza qui, selon le ministère de la Santé du territoire, a tué au moins 28 064 personnes, pour la plupart des femmes et des enfants.

Les militants ont capturé 250 otages, dont 132 sont toujours à Gaza, bien que 29 soient présumés morts, a indiqué Israël.

- Frustration de Biden -

Les Israéliens protestent contre la gestion de la guerre par le gouvernement Netanyahu

Les États-Unis sont le principal soutien international d’Israël, lui fournissant des milliards de dollars d’aide militaire.

Le Département d’État américain a déclaré qu’il ne soutenait pas une offensive terrestre à Rafah, avertissant que, si elle n’était pas correctement planifiée, une telle opération risquerait un « désastre ».

Signe d'une frustration croissante, Biden a émis jeudi sa critique la plus virulente à l'égard d'Israël, qualifiant les représailles à l'attaque du Hamas du 7 octobre d'« exagérées ».

Biden a déclaré qu’il y avait « beaucoup d’innocents qui meurent de faim… en difficulté et meurent, et cela doit cesser ».

Un char israélien près de la frontière avec Gaza

Mais le bureau de Netanyahu a déclaré qu'il serait « impossible » d'atteindre l'objectif de la guerre, à savoir éliminer le Hamas, tout en laissant quatre de ses bataillons à Rafah.

Le dirigeant israélien, dont le gouvernement de coalition comprend des ministres d’extrême droite, fait face à des appels à des élections anticipées et à des protestations croissantes contre son incapacité à ramener chez eux les otages capturés lors de l’attaque.

- 'Entre la vie et la mort' -

Les craintes grandissent quant au sort de plus d’un million de Palestiniens déplacés qui ont trouvé refuge à Rafah, pour la plupart dans des tentes en plastique placées contre la frontière avec l’Égypte et également encerclées par la mer.

Les Palestiniens pleurent après avoir identifié les corps de leurs proches à l'hôpital Al-Najjar à Rafah

"Nous sommes entre la vie et la mort", a déclaré l'un d'eux, Bassel Matar. "Nous ne savons pas s'il y aura un espoir de trêve demain ou s'il y aura des changements sur le terrain."

Des témoins ont fait état de nouvelles frappes sur Rafah samedi. Le ministère de la Santé à Gaza, dirigé par le Hamas, a déclaré que les bombardements israéliens avaient tué au moins 110 personnes pendant la nuit, dont 25 à Rafah.

A l'hôpital Al-Najjar de la ville, des images de l'AFPTV montrent une famille rassemblée autour des corps ensevelis de proches.

Rafah est le dernier grand centre de population de la bande de Gaza dans lequel les troupes israéliennes ne doivent pas encore pénétrer et également le principal point d'entrée des fournitures de secours désespérément nécessaires.

Un jeune Palestinien transporte du bois devant un immeuble résidentiel détruit à Rafah

Les organisations humanitaires ont tiré la sonnette d'alarme face à la perspective d'une incursion terrestre.

Le Fonds des Nations Unies pour l'enfance, l'UNICEF, a mis en garde cette semaine contre une escalade militaire à Rafah, affirmant que « des milliers d'autres pourraient mourir à cause des violences ou du manque de services essentiels ».

- Efforts diplomatiques -

Netanyahu a annoncé son plan d’opération terrestre à Rafah quelques jours seulement après la visite du secrétaire d’État américain Antony Blinken en Israël pour rechercher un cessez-le-feu et un échange d’otages et de prisonniers.

Les soldats libanais sécurisent la zone après une frappe de drone israélien dans le village de Jadra

Les négociateurs du Hamas ont quitté le Caire vendredi après ce qu'une source du Hamas a décrit comme des « discussions positives et bonnes » avec les médiateurs égyptiens et qatariens.

La délégation "attend la réponse d'Israël", a déclaré à l'AFP un responsable du Hamas sous couvert d'anonymat, n'étant pas autorisé à s'exprimer sur la question.

Citant des responsables américains et égyptiens, le journal américain Axios a déclaré vendredi soir que Biden enverrait le directeur de la CIA, William Burns, au Caire la semaine prochaine pour faire pression en faveur d'un accord visant à garantir la libération d'autres otages.

L’impact de la guerre a été largement ressenti, avec une montée des violences impliquant les alliés du Hamas soutenus par l’Iran au Moyen-Orient et attirant les forces américaines, entre autres.

Une source de sécurité palestinienne a déclaré qu'une frappe israélienne visant un haut responsable du Hamas dans le village de Jadra, au centre du Liban, avait échoué mais avait tué deux autres personnes samedi.

Cela s'est produit après que le groupe militant libanais Hezbollah, soutenu par l'Iran, a déclaré vendredi avoir tiré des dizaines de roquettes sur une position de l'armée sur le plateau du Golan occupé par Israël, quelques heures après avoir lancé une salve sur le nord d'Israël.

Et en Syrie, les frappes israéliennes près de Damas ont tué trois personnes samedi, a indiqué un observateur de guerre, ajoutant que le quartier ciblé abritait des villas pour de hauts responsables militaires et civils.

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