L'augmentation du nombre a provoqué un blocage des demandes d'asile

Paris (AFP) - La Grande-Bretagne a accepté de verser à la France 72,2 millions d'euros supplémentaires (74,5 millions de dollars) pour empêcher les traversées de bateaux de migrants dans le cadre d'un nouvel accord signé lundi qui souligne l'amélioration des liens entre les voisins.

Environ 42 000 personnes – pour la plupart des Albanais, des Iraniens et des Afghans – ont traversé la Manche vers l'Angleterre depuis la France cette année.

Ce chiffre est bien supérieur aux 28 561 de l'année dernière, soit mille fois plus qu'en 2018, lorsque les migrants et les demandeurs d'asile ont commencé à naviguer sur des pneumatiques sur l'un des canaux de navigation les plus fréquentés au monde.

"Il n'y a pas de solution miracle, mais ce nouvel arrangement nous permettra d'augmenter considérablement le nombre de gendarmes français patrouillant sur les plages du nord de la France", a déclaré la ministre britannique de l'Intérieur Suella Braverman dans un communiqué après la signature de l'accord avec son homologue français Gérald Darmanin.

L'argent supplémentaire financera une augmentation de 40% du nombre de forces de sécurité patrouillant sur les plages du nord de la France, soit 350 personnes supplémentaires, a déclaré le ministère français de l'Intérieur.

Pour la première fois, des équipes d'observateurs seront déployées des deux côtés de la Manche pour "renforcer la compréhension commune".

La ministre britannique de l'Intérieur Suella Braverman a signé l'accord avec son homologue français Gerald Darmanin

"Cet arrangement signifie que, pour la première fois, des officiers britanniques spécialisés seront également intégrés à leurs homologues français", a déclaré le ministère britannique de l'Intérieur.

- Des tensions -

Les gouvernements britanniques successifs ont versé à la France des centaines de millions d'euros au cours de la dernière décennie pour améliorer la sécurité des frontières sur le littoral de la Manche, notamment autour du port de Calais.

Macron et Sunak étaient tout sourire lorsqu'ils se sont rencontrés pour la première fois en tant que dirigeants lundi

Les achats français passés avec de l'argent britannique comprennent des jumelles à imagerie thermique, des motos, des drones et des SUV qui sont utilisés lors des patrouilles sur les plages.

Mais les soupçons persistent en Grande-Bretagne, attisés par les médias de droite et les membres du parti conservateur au pouvoir, selon lesquels Paris n'en fait pas assez.

L'accord reflète des liens plus chaleureux entre la France et le Royaume-Uni depuis que le Premier ministre britannique Rishi Sunak a pris la barre, après des années d'acrimonie sous ses prédécesseurs Boris Johnson et Liz Truss.

L'une des pires querelles publiques entre Johnson et le président français Emmanuel Macron est survenue en novembre de l'année dernière lorsque 27 migrants se sont noyés dans la Manche.

Sunak et Macron ont tenu une première rencontre cordiale la semaine dernière en marge du sommet de l'ONU sur le climat en Égypte et se retrouveront cette semaine au G20 en Indonésie.

La question de savoir comment gérer le flux de demandeurs d'asile et de migrants économiques en provenance d'Afrique et du Moyen-Orient a tendu les relations diplomatiques dans toute l'Europe pendant une grande partie de la dernière décennie.

La France et l'Italie, qui a élu un nouveau gouvernement d'extrême droite, se sont affrontées la semaine dernière après que Rome ait refusé de laisser un navire de sauvetage transportant des migrants accoster dans ses ports méditerranéens.

Macron et son homologue italien Sergio Mattarella ont appelé lundi à un retour à la "pleine coopération" après l'impasse de la semaine dernière qui s'est terminée lorsque la France a autorisé le bateau à débarquer ses passagers.

- 'Le crédit' -

Sur la côte de la Manche, des doutes subsistent quant à savoir si des changements progressifs du nombre d'officiers français patrouillant dans les dunes accidentées et les larges plages peuvent inverser la marée montante des traversées.

Les observateurs disent que les bateaux des migrants grossissent, que les tactiques des passeurs sont plus sophistiquées et que des départs sont enregistrés le long d'une bande côtière qui s'élargit.

Quelque 972 personnes ont été détectées lors de la traversée samedi et 853 dimanche par temps calme et ensoleillé, selon des chiffres britanniques.

Les migrants transmanche doivent souvent être secourus et beaucoup sont morts

Les garde-côtes français sont catégoriques sur le fait qu'ils ne peuvent pas intercepter les bateaux une fois qu'ils sont à l'eau, car tenter de le faire pourrait les faire chavirer.

Les groupes de défense des droits de l'homme ont longtemps critiqué la Grande-Bretagne pour avoir refusé d'offrir aux demandeurs d'asile la possibilité de demander une protection sans traverser la Manche.

"Honnêtement, ce n'est pas différent de tout ce que nous avons entendu auparavant", a déclaré à l'AFP Clare Moseley, fondatrice de l'association caritative Care4Calais, à propos de l'accord de lundi.

"Je pense vraiment que nous devons nous concentrer sur le fait de donner aux gens un passage sûr, de leur donner des moyens sûrs de demander l'asile et de sauver des vies", a-t-elle ajouté.

Le parti conservateur au pouvoir a adopté une ligne dure sur la migration et sous Johnson a conçu un plan pour envoyer des demandeurs d'asile au Rwanda dans le but de dissuader les nouveaux demandeurs.

"Au fil des ans, j'ai vu tant de ministres britanniques découvrir le problème et décider qu'ils allaient s'emparer du problème et le résoudre d'une manière ou d'une autre", a déclaré à l'AFP l'ancien ambassadeur britannique en France, Peter Ricketts.

«Mais ils finissent tous par se rabattre sur la réalisation que la seule façon de maîtriser cela est de travailler avec les Français.

"A leur crédit, le gouvernement Sunak est parvenu à cette conclusion rapidement et l'accord d'aujourd'hui est une bonne nouvelle", a-t-il ajouté.