Des manifestants d'extrême droite affirment vouloir « sauver la démocratie » après la condamnation de Le Pen

Paris (AFP) - Marine Le Pen a invoqué dimanche le combat de Martin Luther King pour les droits civiques alors que son parti d'extrême droite prévoyait de rassembler ses partisans après sa condamnation pour détournement de fonds et son interdiction d'exercer une fonction publique.

Le jugement explosif qui pourrait anéantir le rêve de Le Pen de remporter la présidence française en 2027 a stupéfié l'establishment politique du pays.

Certaines forces de gauche et le camp centriste ont organisé dimanche des contre-rassemblements contre l'extrême droite, tandis que les juges qui ont condamné Le Pen ont reçu des menaces.

Dimanche, avant le rassemblement, Le Pen a exhorté ses partisans à s'inspirer de l'un des plus éminents défenseurs de la non-violence aux États-Unis dans la lutte pour l'égalité des droits des Noirs américains.

« Nous suivrons l'exemple de Martin Luther King, qui a défendu les droits civiques », a-t-elle déclaré aux membres de la Ligue, parti d'extrême droite italien, réunis à Florence, par liaison vidéo.

Des sources policières s'attendaient à ce qu'environ 8 000 personnes participent au rassemblement.

« Merci, Marine, nous ne voulons pas vous faire perdre plus de temps », a déclaré le vice-Premier ministre italien et chef de la Ligue, Matteo Salvini.

« Aujourd’hui sera un jour important pour vous, pour la France », a-t-il ajouté.

Lors d'un meeting du parti Renaissance du président Emmanuel Macron à Saint-Denis, dans la banlieue ouvrière du nord de Paris, l'ancien Premier ministre Gabriel Attal a accusé l'extrême droite « d'attaquer nos juges, d'attaquer nos institutions ».

« Nous, ici, nous ne disqualifierons jamais une décision de justice », a déclaré Attal, 36 ans, en présence du Premier ministre François Bayrou et de son homologue Edouard Philippe, qui espère également se présenter à l'élection présidentielle de 2027.

Dans une interview au journal publiée samedi, Bayrou a critiqué le prochain rassemblement d'extrême droite, affirmant qu'il n'était « ni sain ni souhaitable » d'organiser une manifestation contre la décision du tribunal.

- 'Fête violente' -

Lundi, Le Pen, 56 ans, a été reconnu coupable de détournement de fonds du Parlement européen et condamné à une peine de prison avec sursis partiel et à une interdiction immédiate d'exercer une fonction publique.

Ses partisans ont qualifié la décision de motivée par des raisons politiques, mais Macron a insisté sur le fait que le pouvoir judiciaire français est « indépendant ».

Le président américain Donald Trump a qualifié cette condamnation de « chasse aux sorcières » menée par « des gauchistes européens utilisant la guerre juridique pour faire taire la liberté d’expression et censurer leurs adversaires politiques ».

Certains militants de gauche, dont des membres du parti d'extrême gauche La France insoumise (LFI), ont organisé un contre-rassemblement place de la République qui a attiré plusieurs centaines de personnes.

Le Premier ministre français François Bayrou s'exprime lors d'une réunion du parti Renaissance du président Emmanuel Macron à Saint-Denis, au nord de Paris

Manuel Bompard, coordinateur du LFI, a déclaré que l'extrême droite avait montré son vrai visage après des années d'efforts pour devenir dominante.

« L'extrême droite est un parti dangereux, dangereux pour la démocratie et pour l'État de droit », a-t-il déclaré aux journalistes. « C'est un parti violent qui menace même les juges lorsque les décisions des tribunaux ne leur conviennent pas. »

L'extrême droite est en pleine expansion en France. Les sondages indiquent que Marine Le Pen, 56 ans, arriverait largement en tête au premier tour de l'élection présidentielle à deux tours si elle se présentait.

- « En soutien à la démocratie » -

Jordan Bardella, 29 ans, président du Rassemblement national (RN) de Marine Le Pen, a déclaré que la décision ne ferait que renforcer le soutien au parti.

Il a qualifié le rassemblement d'extrême droite sur la place Vauban, dans le riche 7e arrondissement de Paris, de « mobilisation non pas contre, mais en soutien à la démocratie française ».

Selon des sources policières, 8 000 personnes sont attendues.

Le Pen a œuvré pour faire du parti une force électorale et le débarrasser de l’héritage de son père, son cofondateur Jean-Marie Le Pen, décédé en janvier et fréquemment accusé de racisme.

Certains partisans de gauche ont prévu une contre-manifestation contre l'extrême droite

Le dernier sondage réalisé par l'institut Elabe pour BFMTV, publié samedi, la donne avec jusqu'à 36% des voix.

Même certains de ses adversaires les plus acharnés estiment que la dirigeante d'extrême droite devrait être autorisée à se présenter aux élections de 2027. Elle a déposé un recours.

Mais aujourd’hui, Le Pen risque de voir des années de progrès anéantis, selon les observateurs.

Les analystes estiment que Le Pen est obligée de jouer la carte de la victime pour conserver le soutien de ses électeurs.

Outre Martin Luther King, Le Pen s'est comparée à Alexeï Navalny, le chef de l'opposition russe emprisonné, décédé dans une prison de l'Arctique en 2024 après avoir été emprisonné sous la présidence de Vladimir Poutine.

Le RN est le plus grand parti au Parlement et pourrait compliquer la vie de Bayrou, qui ne dispose pas de majorité à la chambre basse.

La cour d'appel de Paris a déclaré qu'elle examinerait le cas de Le Pen dans un délai qui pourrait potentiellement lui permettre de contester les élections si sa condamnation est annulée ou sa peine modifiée.

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