Des personnalités politiques de premier plan ont marché en tête du cortège avec une banderole indiquant "pour la république, contre l'antisémitisme".

Paris (AFP) - Plus de 100 000 personnes ont manifesté dimanche contre l'antisémitisme à Paris, après des jours de querelles entre partis politiques pour savoir qui devait y participer et une recrudescence des incidents antisémites à travers la France.

"Notre ordre du jour aujourd'hui est (...) la lutte totale contre l'antisémitisme qui est à l'opposé des valeurs de la république", a déclaré à la chaîne LCP le président du Sénat Gérard Larcher, qui a organisé la manifestation avec la présidente de la Chambre basse Yael Braun-Pivet. les marcheurs se mettent en route.

Les tensions sont montées dans la capitale française – qui abrite d’importantes communautés juives et musulmanes – à la suite de l’attaque du 7 octobre par le groupe militant palestinien Hamas contre Israël, suivie d’un mois de bombardements israéliens sur la bande de Gaza.

La préfecture de police de Paris a indiqué que 105 000 personnes avaient rejoint la marche, tandis que les chiffres du ministère de l'Intérieur évaluent le chiffre à 182 000 à l'échelle nationale.

Les journalistes de l'AFP avaient déjà vu des dizaines de milliers de personnes rassemblées au point de départ, au parc des Invalides.

Plus de 3 000 policiers et gendarmes devaient être déployés pour assurer la sécurité.

"Nous avons eu des grands-parents qui ont échappé au transport vers les camps de concentration, heureusement, ils ne sont pas là pour voir que (l'antisémitisme) est de retour", a déclaré Laura Cohen, une marcheuse d'une trentaine d'années.

« Nous ne devrions pas avoir à nous cacher en 2023 », a-t-elle ajouté, affirmant que sa famille prévoyait de supprimer son nom de l'interphone de leur immeuble et la mezouza, un objet religieux juif, de leur porte.

Les manifestants ont apporté des pancartes sur laquelle on pouvait lire "l'antisémitisme est un crime, pas une opinion"

Environ 500 000 Juifs vivent en France, ce qui constitue la plus grande communauté d'Europe.

En tête de la marche se trouvaient la Première ministre Elisabeth Borne, les deux orateurs et dignitaires dont les anciens présidents François Hollande et Nicolas Sarkozy, ainsi que des chefs religieux.

Plus tôt dimanche, des milliers de personnes se sont rassemblées dans les grandes villes françaises dont Lyon, Nice et Strasbourg derrière le même slogan que la marche parisienne : « Pour la République, contre l'antisémitisme ».

« Chacun devrait sentir que c'est son affaire » pour lutter contre le sentiment anti-juif, a déclaré le grand rabbin de France Haïm Korsia à la chaîne Radio J.

L'attaque choc du Hamas du 7 octobre a tué environ 1 200 personnes, pour la plupart des civils, en Israël, selon des responsables israéliens, tandis que l'armée affirme que 240 personnes ont été prises en otage.

La campagne aérienne et terrestre israélienne en réponse a fait plus de 11 000 morts à Gaza, selon le ministère de la Santé dirigé par le Hamas.

La France a recensé près de 1 250 actes antisémites depuis l’attentat.

- 'Confusion' -

A la veille de la marche, le président Emmanuel Macron – qui n’était pas présent dimanche – a condamné la « résurgence insupportable d’un antisémitisme effréné » dans le pays.

« Une France où nos citoyens juifs ont peur, ce n'est pas la France », a-t-il écrit dans une lettre publiée samedi dans Le Parisien.

Macron a condamné la « confusion » entourant le rassemblement et a déclaré qu’il était « exploité » par certains responsables politiques à leurs propres fins.

Le parti d'extrême gauche La France Insoumise (LFI) a boycotté l'événement auquel participait le Rassemblement national (RN) d'extrême droite.

Le leader de LFI, Jean-Luc Mélenchon, a rejeté la marche comme une réunion des « amis du soutien inconditionnel au massacre » des Palestiniens à Gaza.

Des contre-manifestants ont tenté d'empêcher la leader d'extrême droite Marine Le Pen d'y participer

Un autre rassemblement contre l'antisémitisme organisé par LFI dans l'ouest de Paris a été perturbé dimanche matin par des contre-manifestants.

La dirigeante d’extrême droite Marine Le Pen – qui a également rencontré des manifestants à son arrivée – a déclaré que la marche devait également servir à lutter contre le « fondamentalisme islamique », un thème favori de son parti anti-immigrés.

Le Rassemblement national (RN) était connu pendant des décennies sous le nom de Front national (FN), dirigé par son père Jean-Marie Le Pen – un négationniste reconnu coupable de l'Holocauste.

Dans le but de montrer que le parti a changé, « nous sommes exactement là où nous devrions être » en participant à la marche, Le Pen a déclaré aux journalistes, qualifiant toute objection de « mesquines arguties politiques ».

Le leader communiste Fabien Roussel a déclaré qu’il « ne marcherait pas aux côtés » du RN.

D'autres partis de gauche ainsi que des organisations de jeunesse et de défense des droits ont défilé derrière une bannière commune séparée de l'extrême droite.

- 'Pas de posture' -

Le Premier ministre Borne a déclaré dimanche : « Il n’y a pas de place pour la posture » lors de la marche, écrivant sur X qu’« il s’agit d’une bataille vitale pour la cohésion nationale ».

Le propre père de Borne a survécu au camp d'extermination nazi d'Auschwitz en Pologne occupée, pour se suicider alors qu'elle avait 11 ans.

Parmi la longue liste d'actes antisémites récents, le parquet de Paris enquête sur un incident survenu le 31 octobre, lorsque des bâtiments de la ville et de sa banlieue ont été barbouillés de dizaines d'étoiles de David.

Ces graffitis, qui rappellent l'occupation nazie de Paris pendant la Seconde Guerre mondiale et la déportation des Juifs vers les camps de la mort, ont été largement condamnés.

La marche a eu lieu un jour après que plusieurs milliers de personnes ont manifesté à Paris sous le cri de ralliement « Arrêtez le massacre à Gaza ».

Les organisateurs de gauche ont appelé la France à « exiger un cessez-le-feu immédiat » entre Israël et les militants du Hamas.