Son équipe juridique affirme que Sarkozy est provocateur

Paris (AFP) - L'ancien président français Nicolas Sarkozy est jugé lundi pour avoir accepté un financement illégal de campagne dans le cadre d'un pacte présumé avec l'ancien dictateur libyen Mouammar Kadhafi.

La carrière de Sarkozy est entachée de problèmes judiciaires depuis sa défaite à l'élection présidentielle de 2012. Il a été condamné dans deux autres affaires et fait l'objet d'enquêtes dans deux autres, mais il reste une personnalité influente et est également connu pour rencontrer régulièrement le président Emmanuel Macron.

Le nouveau procès a commencé à peine quinze jours après que la plus haute cour d'appel française a rejeté en décembre son appel contre une peine d'un an de prison pour trafic d'influence, qu'il doit purger en portant un bracelet électronique plutôt qu'en prison.

Sarkozy était présent au tribunal de Paris lorsque le dernier procès a commencé mais n'a fait aucun commentaire.

Douze suspects sont jugés, dont d'anciens proches collaborateurs, accusés d'avoir conclu un pacte avec Kadhafi pour financer illégalement la campagne électorale victorieuse de Sarkozy en 2007. Ils nient ces accusations.

S'il est reconnu coupable, Sarkozy, 69 ans, risque jusqu'à 10 ans de prison pour recel de détournement de fonds publics et financement illégal de campagne.

Le procès doit durer jusqu'au 10 avril.

L'ancien président français reste une figure influente à droite

Sarkozy « attend ces quatre mois d’audience avec détermination. Il combattra la construction artificielle imaginée par le parquet », a déclaré son avocat Christophe Ingrain. « Il n’y a pas eu de financement libyen ».

Sarkozy ne porte toujours pas de bracelet électronique – une opération qui pourrait prendre plusieurs semaines – et a passé Noël aux Seychelles avec sa femme, le mannequin et chanteuse Carla Bruni, et leur fille.

- Pacte présumé avec Kadhafi -

L'affaire actuelle fait suite à une décennie d'enquêtes. Il est allégué que Sarkozy et des personnalités de haut rang se sont engagés à aider Kadhafi à réhabiliter son image internationale en échange d'un financement de campagne.

Tripoli avait été accusé par l'Occident d'avoir bombardé le vol 103 de la Pan Am en 1988 au-dessus de Lockerbie en Écosse et le vol 772 d'UTA au-dessus du Niger en 1989, qui avaient tué des centaines de passagers.

Un autre bénéficiaire présumé était le beau-frère de Kadhafi et chef des services de renseignements, Abdullah Senussi, qui a été emprisonné à vie par contumace en France pour l'attentat contre le vol 772 d'UTA. Il est également recherché pour être interrogé sur l'attentat de Lockerbie.

Sarkozy avait accueilli Kadhafi à l'Elysée en 2007

Sarkozy a dénoncé ces accusations comme faisant partie d'un complot, insistant sur le fait qu'il n'avait jamais reçu de financement de Kadhafi.

« Notre travail n'est pas un travail politique, nous ne sommes pas engagés politiquement », a déclaré Jean-François Bohnert, procureur financier du Parquet national financier (PNF) qui mène l'affaire. « Nous n'avons qu'une seule boussole, c'est la loi. »

Parmi les autres personnes jugées figurent l'ancien bras droit de Sarkozy, Claude Guéant, son directeur du financement de campagne de l'époque, Eric Woerth, et l'ancien ministre Brice Hortefeux.

Le dossier de l'accusation s'appuie sur les déclarations de sept anciens dignitaires libyens, les voyages en Libye de Guéant et Hortefeux, les virements ainsi que les carnets de notes de l'ancien ministre libyen du pétrole Choukri Ghanem, retrouvé noyé dans le Danube en 2012.

- Accusations de subornation de témoin -

À une époque où de nombreux pays occidentaux courtisaient le dictateur non-conformiste pour obtenir des accords énergétiques, Kadhafi visitait Paris en décembre 2007, installant sa célèbre tente au centre de la ville.

Mais la France a soutenu l'action militaire approuvée par l'ONU qui a contribué en 2011 à renverser le dirigeant libyen, qui a ensuite été tué par des rebelles.

Sarkozy a déclaré que les accusations d'anciens membres du cercle intime de Kadhafi concernant le financement présumé étaient motivées par la vengeance.

Le scandale a éclaté en avril 2012, alors que Nicolas Sarkozy briguait sa réélection. Le site Mediapart avait publié un article choc, basé sur un document de décembre 2006, qui, selon lui, montrait un ancien responsable libyen évoquant un accord sur le financement de la campagne.

Sarkozy affirme depuis longtemps que le document n’est pas authentique.

Sarkozy a perdu les élections de 2012 face à François Hollande

Un Sarkozy amer a perdu de justesse les élections face au socialiste François Hollande.

L'homme d'affaires franco-libanais Ziad Takieddine, personnage clé de l'affaire et en fuite au Liban, a affirmé à plusieurs reprises avoir contribué à faire parvenir jusqu'à cinq millions d'euros en liquide à Kadhafi en 2006 et 2007.

Mais en 2020, Takieddine est revenu sur sa déclaration, suscitant des soupçons selon lesquels Sarkozy et ses proches alliés auraient payé le témoin pour qu'il change d'avis.

Dans un nouveau rebondissement, Sarkozy a été inculpé en octobre 2023 de subornation illégale de témoin, tandis que sa femme Bruni a été accusée l'année dernière de dissimulation de preuves dans la même affaire.